Etude sur le prix des obsèques, le faux semblant

Elle est partout dans la presse : une étude sur le prix des obsèques, réalisée par Silver Alliance et Simplifia met un coup terrible à la profession. Les coûts de la mort sont très élevés, prohibitifs, même, et tout cela cause un émoi bien légitime au sein de la population. Bon… On sort la boîte à question gênantes ?

La science, c’est formidable

En science, une étude, c’est important. Primordial, même. Comme la Framingham Heart Study, débutée en 1948 et toujours en cours, qui est l’étude principale qui permet de déterminer les facteurs de risques cardio-vasculaires. Donc oui, les études sont importantes et doivent être prises au sérieux.

Parce que de mauvaises études, il y en a. En 2023, il y a eu un phénomène qui a secoué le milieu scientifique, « la crise des rétractations ». Cette année là, 10 000 études ont été retirées ou rétractées après leur publication. Soit parce qu’elles n’ont pas été révisées par les pairs, soit parce que les conclusions s’étaient basées sur des données fausses, de bonne foi ou non.

Une bonne étude scientifique doit en effet être relue par les pairs. C’est à dire que, avant sa publication, la revue dans laquelle elle doit être publiée l’envoie à d’autres spécialistes du domaine, qui la relisent et la vérifient. Ils font des remarques ou posent des questions aux auteurs de l’étude, qui la retravaillent jusqu’à ce que ce soit parfait.

Et malgré cela, de mauvaises études sortent. Un bon exemple est l’homéopathie : il y a trois études qui affirment, scientifiquement, que l’homéopathie fonctionne. Attention, ces trois études sont très discutables, mais elles ont été publiées, pas dans des revues à comité de lecture néanmoins, sans relecture scientifique donc. Et les homéopathes les citent abondamment. Normal, me direz-vous, sauf qu’ils omettent toujours de citer les 286 études publiées dans des revues à comité de lecture qui affirment, elles, que ça ne marche pas.

Bref : si on veut appeler quelque chose « étude », il faut que ce soit extrêmement rigoureux. Et, surtout, une étude n’est pas la vérité : il en faut plusieurs qui arrivent aux mêmes conclusions.

Le coût des obsèques

Ce qui nous amène donc à l’étude publiée par Silver Alliance et Simplifia. Silver Alliance est une entreprise spécialisée dans les produits qui aident les seniors à mieux vivre à domicile. Simplifia est une entreprise spécialisée dans les services funéraires du tertiaire.

Et donc, l’étude vient après celle réalisée par l’UFC que choisir en 2019, avec une méthode tout à fait différente, et révèle une explosion des coûts. Les acteurs nous expliquent que leurs résultats se basent sur 50 738 décès en 2023, soit environ 8 % des 647 000 décès qui ont eu lieu cette année là.

Comment ont-ils été choisis ? Ce sont des décès qui ont été réalisés dans des pompes funèbres clientes des services de Simplifia.

Et, aussitôt se posent quelques questions qui semblent essentielles mais qui ne figurent pas dans la presse. Par exemple :

Où se situent ces agences, et quel est le tissu socio-économique de l’endroit ? Si l’on regarde la carte publiée par Silver Alliance, on note que les obsèques sont plus chères dans le sud et dans le nord ouest, Normandie et Vendée en tête. Et qu’est-ce qu’on trouve, dans le sud et le nord ouest ? Des retraités aisés. La Normandie, par exemple, est le repaire des parisiens qui veulent une résidence secondaire pas loin.

On ne dit pas que c’est ça, on dit juste qu’on aimerait voir les données.

Il serait intéressant également de prendre en compte l’environnement rural et urbain, de prendre en compte le prix des obsèques les moins chères et les plus chères, le nombre de convoi pour chacune…

L’étude affirme également que les services aux familles font grimper la facture. Services aux familles que vend Simplifia… Quelle est la part des services optionnels dans la facture finale ? Parce que, si ces familles y souscrivent, c’est qu’elles le souhaitent et qu’elles en ont les moyens, ce qui ramène au tissu socio-économique.

Attention : nous ne disons pas que Silver Alliance et Simplifia ont publié une étude erronée ou faussée. Nous disons juste que la presse qui s’en fait l’écho ne pose pas les bonnes questions.

Mais il reste une question plus gênante, et nous aimerions beaucoup avoir la réponse de Simplifia : l’étude a été réalisée grâce aux données collectées par le logiciel de Simplifia, selon la presse toujours. Question : est-ce que leurs clients étaient au courant, et est-ce qu’ils ont donné leur accord ? Et cette question est primordiale. Ils n’ont violé aucune loi, attention, si ils ne citent personne, en revanche, la confiance…

Bref : nous avons demandé à Silver Alliance de nous transmettre l’étude dans son intégralité via leur formulaire de contact et nous attendons leur retour. Notre objectif : trouver les réponses à nos questions. Peut être que ces deux sociétés ont raison, et que le prix du funéraire est un problème. Ou peut être que leur affirmation sera à nuancer.

Dans l’attente, j’ai donc envoyé un mail à Silver Alliance pour demander le texte intégrale de l’étude, donc, sans manquer de m’en étonner, parce que c’est la première fois que je vois un tel document rendu public qui ne soit pas directement disponible…

Nous vous tiendrons, bien entendu, informés.

A la suite de notre article quelque peu dubitatif sur leur étude concernant le prix des obsèques, Silver Alliance et Simplifia nous ont proposé d’en parler plus en profondeur. Voici les points principaux de l’échange.

Guillaume Bailly