Pendant la trêve estivale, l’actualité du funéraire étant plu calme, nous vous proposons des histoires tournant autour du funéraire et de l’histoire. Des histoires vraies, bien entendu. Il est temps de commencer en vous présentant un personnage très sympathique avec ses amis croque-morts, un peu moins avec les autres.
C’est grave, docteur ?
En 1998, Alan croise Linda sur son lieu de travail, et les deux échangent des banalités, avant que la conversation prenne une tournure inattendue. Il faut dire que quelque chose préoccupe Alan, et, par un curieux hasard, tout relatif néanmoins, la même chose préoccupe Linda.
Alan Massey, de son nom complet, est directeur de pompes funèbres. Et il n’appelle pas Linda par son prénom, mais par son titre : Docteur. Docteur Linda Reynolds, médecin légiste dans la ville de Manchester, en Angleterre.
Le croque-morts se pose des questions sur un de ses fournisseurs, plus précisément un médecin généraliste qui perd régulièrement des patients. Jusqu’ici, notez bien, rien d’anormal : tout le monde est le patient d’un médecin généraliste, même si on le voit de manière plus ou moins assidue. Mais celui-là, tout de même, il n’a pas de chance.
Enfin, ce sont surtout ses patients, qui n’ont pas de chance.
Et il s’en ouvre au Docteur Reynolds, qui se montre très réceptive. Il faut dire qu’en tant que médecin légiste, elle a accès aux statistiques, et que celles de son collègue semblent indiquer qu’il porte sévèrement la poisse. Même si aucun de ses patients ne passe par ses services, démontrant ainsi qu’il n’y a rien de suspect à ces décès.
Enfin, rien de suspect… Lorsqu’une personne décède, il n’est ordonné une autopsie, sauf flagrance, que si le médecin qui constate la mort pense qu’il y a quelque chose de louche. Mais si c’est le médecin lui-même qui est louche ?
Linda Reynolds a même consulté les certificats de décès remplis par ce médecin. A chaque fois, elle a constaté qu’ils étaient irréprochables, et que la cause du décès était plausible. Rien à redire, vraiment.
« C’est juste une coïncidence que je note, rien de plus » souligne Alan Massey « je le connais bien, il est très sympathique. En fait, avec les collègues, on le connais tous assez bien. Il a beaucoup d’amis aux pompes funèbres, parce qu’on se voit souvent, peut-être… »
« Je ne peux pas dénoncer un collègue sans preuves » explique alors Linda Reynolds, « ce serait un sacré manque de confraternité. Mais vous devriez en parler à la police. Allez les voir de ma part. Juste pour avoir le coeur net ».
Et ainsi, Alan Reynolds se rend au commissariat en sortant de la morgue. Il explique au policier qu’il est venu faire une déclaration sur un médecin, et qu’il vient de la part du Docteur Reynolds, ce qui lui vaut d’être reçu. Le policier qui l’écoute se montre surpris. « Le Docteur Shipman ? Il m’a pourtant l’air d’un brave type ».
Le 17 mars 1998 s’ouvre donc une enquête sur le Docteur Harold Shipman. Et, un mois pile après, le 17 avril, la conclusion tombe. Elle est implacable : oui, sans aucun doute, Shipman porte la poisse. Ce qui n’est pas un délit. Circulez, il n’y a rien à voir. Tout au plus, certains policiers songent à conseiller à leurs proches de choisir un autre médecin généraliste, et, peut-être, certains sont tentés de conseiller Shipman aux gens qu’ils n’aiment pas.
Aussi, le 25 juin 1998, lorsque la famille de Kathleen Grundy entre au commissariat pour déclarer qu’il y a quelque chose de louche au sujet du Docteur Shipman, ils s’attendaient à tout, sauf à s’entendre répondre : « Encore ? ».
Mais cette fois-ci, c’était du sérieux…. – A suivre
Guillaume Bailly