Docteur Knox

Il est frais mon cadavre

Les pilleurs de tombes ont bel et bien existé, et, paradoxalement, ils l’ont fait pour le bien de tous, le développement des sciences médicales. Mais toujours avec un sens de l’éthique plus que discutable. Dans cette concurrence effrénée que se livraient les profanateurs de sépulture d’alors, personne n’a été aussi loin que Burke et Hare.

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Au début du XIXᵉ siècle, les sciences médicales connaissent un essor fulgurant. À Édimbourg, en Écosse, l’université est à la pointe des recherches en anatomie, nécessitant de nombreux cadavres pour ses dissections. Mais un problème survient : avec la fin du « Bloody Code », qui réduisait drastiquement le nombre d’exécutions, les corps viennent à manquer.

Le « Bloody code » était l’ensemble de lois qui définissait les verdicts pour certains crimes et délits. Commencé au moyen-âge, il mentionnait cinq motifs de condamnation à mort. Quatre siècles plus tard, ces motifs de peine capitale étaient douze mille. Autant dire qu’il ne se passait pas une journée sans exécution publique. Et donc, les corps des suppliciés étaient ensuite donnés à la science.

C’est quand on commença à pendre des enfants pour insolence que le législateur se dit que ça allait un peu loin, cette affaire. Le « Bloody code » fut donc aboli et la peine de mort ramenée à des motifs plus raisonnables, coupant l’approvisionnement des universités en cadavres frais.

Face à cette pénurie, un marché macabre se met en place. D’abord, des pilleurs de tombes volent des cadavres fraîchement enterrés pour les revendre aux médecins. Mais bientôt, deux immigrés irlandais, William Burke et William Hare, trouvent une méthode plus « efficace » : plutôt que d’attendre des morts naturelles, ils commencent à « fabriquer » eux-mêmes des cadavres.

Leur méthode est simple et discrète : ils attirent des victimes isolées, souvent des vagabonds ou des buveurs, les invitent à boire chez eux, puis les étouffent en leur bloquant la respiration. Pas de sang, pas de blessures visibles. Ils livrent ensuite les corps au Docteur Knox, un anatomiste qui ne pose aucune question, trop heureux de recevoir des spécimens « frais ». Tellement frais que, lors d’un incident, Burke et Hare tuent presque un de leurs « cadavres » sur le pas de la porte du docteur.

Pendant plusieurs mois, Burke et Hare répètent leur sinistre manège, faisant disparaître seize personnes selon le jugement de l’époque. Mais leur excès de confiance finit par causer leur perte : des témoins les voient avec leur dernière victime la veille de la livraison. Alertée, la police enquête et les arrête.

Ne disposant pas de preuves directes, les autorités proposent un marché à Hare : l’immunité en échange de son témoignage contre Burke. Il accepte sans hésiter. Burke est condamné à mort et pendu en 1829. Ironie du sort, son cadavre est lui aussi livré à l’université pour être disséqué devant les étudiants.

Quant à Hare, il disparaît après sa libération. Le Docteur Knox, bien que jamais condamné, voit sa réputation ruinée et doit quitter Édimbourg.

Vous pouvez voir William Burke aujourd’hui : la peu de son visage a été tannée et est exposée au musée de médecine d’Edimburg.

Guillaume Bailly

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