L’envers des crématoriums, Libérez le parti-pris ?

Un récent article dans le journal Libération prétend dévoiler l’envers des crématoriums, et dénoncer la mainmise des groupes sur leur gestion « opaque ». Et pourquoi pas ? Sauf que, dès le second paragraphe, approximations et partis-pris se dévoilent.

Un biais bien confirmé

Dans un article du 11 février, Libé dénonce. Le journal veut pointer du doigt les dérives des crématoriums. Et pourquoi  pas ? Tout n’est pas rose, loin de là, au royaume du funéraire. Sauf que très vite, on se rend compte que l’article ne veut pas informer, il veut militer. Avec une mauvaise foi avérée.

Mauvaise foi ? Oui, et la lecture des deux premiers passages suffit à s’en convaincre. Le premier paragraphe, par exemple, où l’auteure décrit « une énorme machine », le « bruit sourd », et l’employé, « grand corps sensible ». Un vrai damné de la terre, quoi. C’est la salle technique, « celle que les familles ne voient pas », une partie « opaque ».

Pardon, Madame la journaliste de Libé, mais vous ne venez pas, dans le même paragraphe, d’expliquer, justement, pourquoi cet univers est « opaque » ? Quel genre de réconfort pensez-vous apporter aux familles en leur montrant toute cette machinerie, ce bruit, la chaleur infernale, la vitre qui permet de voir le corps se consumer ?

Mais, opaque… C’est vrai que c’est opaque, finalement. Seuls les employés du crématorium peuvent accéder à cette pièce. Et les techniciens d’entretien des entreprises extérieures. Et les contrôleurs techniques chargés de vérifier le matériel. Et les organismes de contrôle de l’État, DGCCRF par exemple, et les conseillers municipaux et délégués de la mairie, qui peuvent venir, si ils le souhaitent, voir ce qui se passe sur simple demande, et retenez ça, c’est important. Ce qui commence à faire du monde.

Dans le second paragraphe, les à peu près continuent. « Le funéraire, compétence communale, est de plus en plus délégué à des boîtes privées ». Alors, pas du tout. Ou plutôt si, mais non. Bon, un rappel : le monopole municipal est tombé. Et ça va peut-être vous faire de la peine, Libé, mais ce sont deux hommes de gauche, comme vous, il faut le rappeler, François Mitterrand et Jean-Pierre Sueur, qui ont mené cette opération à bien. Deux hommes que l’on peut difficilement soupçonner de capitalisme forcené.

Donc, la mairie ne se débarrasse pas du funéraire au profit du privé, en réalité, le privé a le droit de s’implanter et de proposer une offre aux familles, qui choisissent sans contrainte. C’est le principe de la liberté des obsèques, qui n’est pas garantie par un monopole, fut-il public. La municipalité a le droit d’avoir une régie funéraire, qui n’est qu’une offre parmi d’autres, soumise aux même règles.

Mais il est vrai que la mairie a des prérogatives. Ainsi, son rôle est de s’assurer que tout se passe bien, juridiquement, dans le milieu de la mort, et que tout le monde ait le droit à une sépulture décente.

Ah, et tous les crématoriums sont à elle, aussi. Même ceux qui appartiennent à des privés. C’est paradoxal, mais quand une société privée construit un crématorium, elle ne peut le faire qu’avec la permission de la municipalité, qui lui concède alors un bail, et au terme de ce bail, le crématorium appartient à la mairie, qui peut le prolonger, ou le confier à un concurrent, ou le gérer elle-même.

Mais, durant toute l’existence du crématorium, c’est la municipalité qui en fixe les tarifs. Oui, Libé, vous omettez de dire que ce ne sont pas des capitalistes assoiffés d’argent (je résume votre vision, hein) qui fixent les prix, mais le conseil municipal, c’est à dire des représentants des citoyens élus démocratiquement. Certes sur proposition du gestionnaire, mais celui-ci ne fait pas ce qu’il veut, il doit détailler et justifier son prix.

Bref, Libé, autant pour vous, donc.

Vous soulevez deux problèmes : le premier la gestion des métaux précieux à l’issue de la crémation.  Et bien, c’est effectivement un problème, ou ça l’était, jusqu’à ce que, l’en dernier, une loi soit enfin votée. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais, encore une fois, voyez ça avec les représentants du peuple, pas avec les capitalistes.

Le second est la part importante de deux groupes, Funecap et OGF, dans la gestion des crématoriums en France, 126 sur 193. Là, par contre, je n’ai pas d’avis, ayant autant de respect poru ces deux grands groupes que pour les sociétés locales auxquels ces marchés échappent souvent, malheureusement. Mais une certitude : ce ne sont pas ces groupes qui décident de quels crématoriums ils vont gérer, mais les municipalités qui décident de le leur confier, après un vote du conseil municipal. Lequel conseil municipal a le droit, à tout moment, de venir voir ce qui se passe, et auquel le gestionnaire doit rendre régulièrement des comptes.

Mais bref, Libé, de toute façon, le but de cet article n’est pas, ni de vous corriger ni de convaincre vos lecteurs qui sont déjà convaincus par vos idées. C’était juste un prétexte pour quelques rappels utiles à destination de ceux, infiniment nombreux, qui ne vous lisent pas.

Guillaume Bailly

Commentaire “L’envers des crématoriums, Libérez le parti-pris ?”

  1. Bonjour,
    Vous oubliez de mentionner que l’article de Libé date du 11 février 2022, pas 2023 comme on pourrait le penser. Pourquoi en reparler maintenant ?

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