Dictionnaire

Les mots qui tuent

La croissance du secteur funéraire, attendue sur la courbe démographique, viendra-t-elle finalement du dictionnaire ? C’est ce qu’il est permis de se demander. Par exemple, ce nouveau mot qui, sous prétexte de bienveillance, occulte un problème majeur de santé publique.

Plus c’est gros, plus ça passe

Chaque année, le dictionnaire intègre de nouveaux mots. Ils sont censés être représentatifs des grandes tendances et des évolutions de la société. Chaque année, il en est qui laissent perplexe et vaguement amusé.

Cette année, c’est au mot « Yodel » que ce rôle est dévolu. C’est un chant traditionnel du Tyrol. Et comme il est plus facile de vous le montrer que de vous l’expliquer, tenez, cadeau :

Et puis, certains mots tuent. L’air de rien, comme ça, ils tiennent lieu de validation d’un concept qui risque de s’avérer, à terme, mortifère. Et c’est ainsi que « grossophobie » arrive dans le Petit Larousse.

Étymologiquement, la grossophobie est la peur des gros, mais, dans une acception plus récente du terme, le suffixe -phobie s’est aussi adjoint la haine. Et être -phobe, dans certaines circonstances, c’est mal.

Être -phobe, réel ou supposé, est aujourd’hui « problématique », autre mot devenu à la mode. Prenez un exemple célèbre : JK Rowling, célèbre auteur de la série de livres « Harry Potter », accusée d’être transphobe. Allez voir, pour vous faire une idée de jusqu’où ça peut aller.

Une bienveillance de poids

Intégrer le mot « grossophobie » dans le dictionnaire, c’est valider l’existence du concept. Et ça suffit à rendre ce mot dangereux.

Parce que l’époque se veut bienveillante et vise à n’offenser personne. Et dire à quelqu’un qu’il est gros, et que ce n’est pas bon pour sa santé, est passé de vérité désagréable à entendre à -phobie, donc, concept haineux à bannir.

Il y a des gens qui souffrent d’obésité par maladie. Ceux-là n’y peuvent rien. Il y en a qui ont une mauvais hygiène de vie à cause d’éléments qui leur échappent, travail, contexte social… Et l’aide à leur apporter doit être réfléchie. Et il y en a qui sont gros par facilité, parce qu’être gros, c’est plus facile et plus agréable que de s’astreindre à une discipline de fer.

Mais c’est bon pour la santé. Parce que le problème est surtout là : l’obésité est la quatrième cause de mortalité en occident. Un rapport de l’OMS indique que, d’ici à trente ans, elle devrait devenir la première, et rétrograder le tabac, qui pourtant l’occupe depuis un siècle, même si ce dernier, au XXème siècle, a tué plus que toutes les guerres réunies.

Ceci, jusqu’ici, était un constat de santé publique. A partir de maintenant, pour les personnes qui n’ont pas envie de l’entendre, c’est une déclaration haineuse qui doit être condamnée. Pourtant, intégrer le mot dans le dictionnaire partait d’une bonne intention, qui était de permettre au public de comprendre ce que certains entendaient par grossophobie. Le problème, c’est que cela va également permettre de dire « bien sûr, que ça existe, regarde, c’est dans le dictionnaire ! ».

Vous haïssez les gros ? Ne les insultez pas, au contraire, dites-leur « tu es parfait, reste comme tu es, ne prête pas attention au regard des autres ». Et regardez les mourir à petit feu. Ce qui fait de vous de mauvaises personnes, au passage, mais qui passeront pour des gens bien, pas grossophobes.

Les fabricants de cercueils, eux, feraient bien d’anticiper et de travailler leur gamme XXL. C’est un produit qui a un grand avenir.

Guillaume Bailly

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