mains

Les vieux, la civilisation, les maisons de retraite

Un livre choc sur les maisons de retraites secoue le petit monde d’apparence paisible du troisième âge. Témoignages à l’appui, il dénonce des pratiques scandaleuses au nom de la rentabilité. Et si le funéraire servait de modèle ?

Témoignage choc

C’est un livre qui secoue le petit monde des maisons de retraite. Du moins, façon de parler : les EHPAD sont de plus en plus nombreuses et la courbe démographique veut que, dans un futur certain, le secteur soit un acteur majeur de l’économie.

Dans « Les Fossoyeurs », le journaliste Victor Castanet soulève le voile du système économique de ces établissements qui impacte directement leur fonctionnement. Fruit de 3 ans de travail et de 250 entretiens, le livre s’attaque frontalement à un groupe, géant du secteur, dont l’action a d’ailleurs dévissé lorsque les médias se sont saisis de l’affaire.

Et les langues se délient. Un témoignage, chez Pascal Praud sur RTL, était édifiant : une aide-soignante expliquait que, pour le petit-déjeuner de ses résidents, elle pouvait distribuer deux biscottes par personne, pas une de plus. Résidents qui, dans un établissement affiché haut-de-gamme, pouvaient s’attendre à mieux pour les 8000 euros qu’ils versaient chaque mois.

Et ne parlons même pas des protections hygiéniques ou de cette célébrité morte d’un escarre mal soigné.

Le problème, selon certains, c’est que le secteur du troisième âge est majoritairement du domaine privé, qu’il est rentable et que la rentabilité appelle la rentabilité au détriment du service. C’est un biais de raisonnement et comme tout biais de raisonnement, il est faux.

L’État, au secours !

C’est une fausse idée de penser que le secteur public peut voler à la rescousse du troisième âge. Tout simplement parce que quiconque a été faire un tour dans une maison de retraite publique sait que ce n’est pas mieux. Et surtout, l’État n’a pas des crédits illimités. Oui, c’est dur à croire, tant il débourse mais l’argent qu’il injecte est de plus en plus emprunté et un jour, il faudra le rendre.

Alors, nos aînés sont-ils condamnés à vivre dans des conditions déplorables ? Vivant une fin d’existence misérable avant d’être enterrés comme des chiens ?

Minute… Ils ne sont pas enterrés comme des chiens, justement. Ils ont de belles obsèques, de beaux convois et si effectivement, le dernier voyage est un peu pingre, c’est la volonté de la famille, pas celles des actionnaires.

Pourtant, ils sont accompagnés majoritairement par des sociétés privées. Étrange, étrange… Pourquoi ce qui ne fonctionne pas dans les EHPAD marche-t-il aux pompes funèbres ?

La réponse est simple, elle a un nom, et c’est là que l’intervention de l’État peut être pertinente : la réglementation. Et son corollaire le suivi. Dans cet article, un cadre infirmier dénonce l’absence de contrôles, les sous effectifs, etc. etc. Pensez à gober quelques antidépresseurs avant de le lire, c’est lugubre.

Pensez à une entreprise funéraire dont le personnel ne serait pas formé, dont les services seraient déplorables, qui pratiquerait des tarifs opaques. A la moindre plainte d’une famille, les foudres de la DGCCRF s’abattraient sur elle, et l’habilitation préfectorale ne serait pas renouvelée. Ces choses arrivent, pas souvent, mais surtout parce que les pompes funèbres se tiennent bien, contrairement aux fantasmes de certains.

Pourquoi ne pas appliquer le même système aux maisons de retraite, EHPAD et autres établissements de soins du troisième âge ? Une habilitation, des contrôles réguliers, un service au Ministère spécifiquement dédié ?

Parce que la grandeur d’une civilisation se mesure à la façon dont elle traite ses aînés, parait-il. Oui, certes, mais pas seulement après leur mort.

Guillaume Bailly

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *