Si il y a un mot que l’on n’aime pas dans le funéraire, c’est bien « nécrophilie ». Et on le comprend, tant la pratique est taboue pour un nombre absolument considérable de raisons. Et pourtant, elle n’est pas spécifiquement interdite, pour une simple raison : les juristes sont incapables de la caractérise. Et ce n’est pas spécifiquement français, la preuve.
Attention, l’histoire ci-dessous contient des sujets qui pourraient heurter la sensibilité de certains lecteurs.
Mélody Roher
En 2021, Melody Rohrer, une infirmière à la retraite de 64 ans, fait tranquillement son jogging près du camping Oak Shores. Habitante non loin, elle connaît par cœur le secteur, et un passage, sur un tronçon de route de campagne peu fréquenté, ne l’inquiète pas : le secteur est paisible et la criminalité quasi inexistante.
Pourtant, ce matin là, un dénommé Colby Martin a bien l’intention de fausser ces statistiques. Il guette Melody, et, lorsqu’elle passe, il démarre son pick-up et la suit de loin. Lorsque Melody est engagée sur le tronçon désert, il accélère et la renverse. Puis il s’arrête, et charge le corps de la femme dans la benne, à l’arrière.
Sauf que l détermination de Colby Martin est inversement proportionnelle à son intelligence : il ne faut que quelques heures à la police pour trouver des témoins qui ont vu Colby avoir un comportement bizarre et suivre Melody, et l’identifier, parce que son véhicule est reconnaissable. Un avis de recherches est lancé, et, le jour même, il est interpellé.
Les policiers, peu habitués aux meurtres, décident de faire taire toutes les critiques sur leur inexpérience et de mener une enquête en tout point conforme au manuel. C’est un dossier parfaitement ficelé qui arrive sur le bureau du procureur, avec des faits, des preuves, tout est parfait. Il démontre que Colby a repéré sa victime, monté un piège, bref, qu’il y a eu préméditation.
Et mieux encore : le travail de la police conjointement avec les services médicaux légaux démontrent que Colby a abusé du corps de Melody après sa mort. Et le procureur souhaite l’inculper pour ça aussi. D’autant que l’enquête et le aveux de Colby ne laissent planer aucun doute : tout était délibéré. Colby Martin voulait violer un cadavre. Et il avait décidé du meurtre uniquement parce que ça lui semblait plus facile de tuer quelqu’un que d’aller déterrer un corps au cimetière.
Le lecteur français se demandera peut-être à quoi bon multiplier les accusations : certes, la vérité, la famille, c’est important, mais il suffit de mentionner ce fait, puisque Colby va prendre perpétuité. Et bien, c’est assez simple : plus il y a de faits menant à la condamnation d’un criminel, plus il aura l’air dangereux, plus il lui sera difficile, ultérieurement, d’obtenir une libération sur parole.
Le juge reçoit le dossier, rédige ses actes, et, lorsqu’il arrive à l’agression nécrophile, il cale. Il a beau lire et relire les textes de loi, rien, pas une mention de cela. Le Michigan ne condamne pas la nécrophilie. L’État ne l’autorise pas non plus, attention : simplement, juridiquement, ça n’existe pas.
Martin a été condamné pour meurtre, délit de fuite et dissimulation de la mort d’une personne, à la réclusion à perpétuité.
La famille de Melody Rohrer se bat depuis pour que la nécrophilie soit reconnue et donc punissable dans la loi de cet État, en vain jusqu’ici. Pas par mauvaise volonté du législateur, mais tout simplement parce que les juristes ne parviennent pas à écrire une loi qui prenne en compte toutes les autres lois sur la mort.
Il est fascinant de constater que bon nombre de pays ne condamnent pas explicitement la nécrophilie. Tabou ? Usine à gaz juridique ? Le sujet concerne en réalité très peu de monde, et le législateur n’a vraisemblablement pas envie de se lancer là dedans, surtout si la presse s’en empare.
En France, un nécrophile risque un an de prison et 15 000 euros d’amende pour « atteinte à l’intégrité d’un cadavre ». Dans le système juridique français, le défunt n’est plus une personne. Reconnaître qu’un mort peu être victime du même crime qu’un vivant contredirait tout cet équilibre et obligerait à réécrire des pans entiers de la loi, y compris le droit funéraire, qui est conséquent.
Guillaume Bailly