Une association, baptisée «Pour une alternative funéraire », organise ce samedi 13 novembre, à Orléans, une conférence portant sur le thème : « Vers une sécurité sociale de la mort ? ». Nous vous y invitons pour entendre leurs arguments en cette faveur. Pour le contre, il suffit de lire le présent article.
Serpent de mer
C’est un vieux serpent de mer : mutualiser le coût de la mort à travers une structure inspirée de la sécurité sociale pour permettre à chacun de bénéficier d’obsèques dignes. L’association « Pour une alternative funéraire » le résume ainsi : « Ne devrait-on pas faire se rejoindre côte à côte dans la mort ‘le seigneur et le paysan, le riche et le mendiant’ ? ».
En d’autres termes : la même mort pour tous ? Parce que, si ce n’est pas ce que demande l’association, et je les crois sincères, à terme, c’est inévitablement vers cela que l’on va aller : une mort unique, avec un devis du même montant, pour tous. Et cela ne peut se faire que d’une seule façon : en organisant strictement le même convoi.
Fin, donc, de la personnalisation des obsèques, voire même de leur liberté. Et surtout, bienvenue dans le funéraire, espace qui devrait normalement être un moment de sérénité consacré au deuil et à l’évocation du souvenir du cher disparu, transformé en champ de tir idéologique.
Prenons l’exemple du convoi qui est encore le plus répandu : funérarium – église – cimetière (ou crématorium avant le cimetière, peu importe). Combien de temps avant que des associations antireligieuses n’arrivent et fassent un scandale parce qu’elles refusent de payer pour des « bondieuseries » ?
Quid, par exemple, des obsèques personnalisées qui engendreraient un surcoût ? Ou, enfin, combien de temps avant que toute forme de personnalisation ne soit interdite au prétexte, pour prendre les sujets à la mode, de laïcité, d’écologie ou de circulation sur les berges de Paris ?
Il faut bien comprendre cela : si les obsèques sont financées par des cotisations à travers une « sécurité sociale », dès l’instant où l’argent est versé par le cotisant, il devient de l’argent public, et donc, un enjeu politique, très loin de son ambition initiale. Et, quel que soit son bord, cela ne choquera personne si l’on affirme que les politiques ont largement démontré leur capacité à saboter une bonne idée.
Mais, surtout, le premier point, au-delà de ces objections que votre serviteur a déjà soulevées dans maints articles, reste à poser une question : une sécurité sociale du funéraire, c’est ajouter une cotisation sociale supplémentaire, dans le pays le plus taxé au monde, où de plus en plus de ménages n’y arrivent plus. Riche idée.
Alors, oui, les obsèques sont chères, et les payer est difficile. Mais des solutions existent. Les pompes funèbres sont (théoriquement) formées à les trouver et les indiquer aux familles. D’ailleurs, des aides de la sécurité sociale existent déjà.
Certes, la mort unit le riche et le puissant au pauvre anonyme. Mais les façons de dire au revoir sont différentes pour chacun, selon son histoire familiale, sa culture, ses croyances, sa volonté, et ce n’est pas qu’une question d’argent : tout professionnel du funéraire un peu expérimenté qui lit ceci a certainement dans sa mémoire des convois incroyables réalisés avec trois francs six sous.
Renoncer à son identité en échange d’une nouvelle contrainte et d’une nouvelle taxe, ça ne vend pas du rêve. Mais à vous de vous faire votre opinion en écoutant les deux points de vue.
Conférence gesticulée par le Collectif « Pour une Sécurité Sociale de la mort ». Samedi 13 janvier 2024 de 17h à 18h30. Maison des associations – 46 ter rue Sainte-Catherine à Orléans. Entrée libre.
Guillaume Bailly
Encore une idée grotesque part des personnes qui ne sont même pas du funéraire.
Qui ne connaissent pas notre métier.
J’ai eu l’occasion de les avoir eu en visio. Rien n’est clair.
En gros leur but : des obsèques digne et de qualité ( sans même savoir ce qu’est ce genre d’obsèques). Et tout cela payées par nos impôts.
Il y a des limites à l’absurde, les obsèques ont un coût, tout travail mérité salaire. Mais quand nous sommes là pour vraiment conseiller les familles, la note n’est pas si salée que ça.
De plus, avec ce genre d’idée, finit la personnalisation, le choix de cercueil, le type de cérémonie etc….
Le dernier au revoir est important, on se doit d’honorer la vie de la personne et rendre un hommage en adéquation avec la vie de nos proches disparus.
je ne suis pas sur que les familles auront le choix de l’organisation des funérailles avec ce concept de » sécu de la mort »
Bonjour,
Nous sommes heureux de voir que l’idée fait réagir. Plus que tout, il faut échanger sur ces sujets dans le débat public. Merci M. Bailly de le faire respectueusement et franchement. Je ne découvre que maintenant l’article et je suis navré de n’y répondre qu’aujourd’hui.
Nous avions déjà pris connaissance de vos positions et y avions nous même réagi dans un article publié dans notre blog Mediapart, « Une Chose Commune ».
Vous posez plus de questions que vous ne donnez de réponses ce qui est extrêmement louable (et rare) dans l’expression publique sur internet ; il s’avère que nous nous les sommes également posées, et que nous avons des propositions pour y répondre. Vous pointez principalement 2 pistes de dérives : la perte de contrôle des endeuillés et le financement. C’est pour ces deux raisons que nous nous référons à la Sécurité sociale plutôt qu’à l’État. Cette honorable institution a connu des jours meilleurs mais avait pour particularité d’être gérée à partir de 1946 par les entrepreneurs et les salariés et non pas par l’État, évitant le détournement des fonds vers d’autres postes de dépense. Mais nous voulons aussi y impliquer les endeuillés eux mêmes, pour créer des collèges funéraires mixtes à même de garder le contrôle de cet argent à échelle réduite… de plus, nous ne souhaitons pas avancer une somme allouée à chacun, creuse et vide de sens, qui entraînerait une uniformisation des obsèques et empêcherait la prise en compte des souhaits des familles et de la diversité des situations. Nous préférons des critères qualificatifs en laissant une marge de manœuvre aux collèges funéraires. La scolarité d’un enfant relève du public, ça n’empêche qu’il existe des options, la prise en charge du handicap… la concurrence et le libre marché ne sont pas des conditions nécessaires à la personnalisation, au contraire, ils imposent leur propre logique qui alourdit le deuil.
Quant aux aides existantes, au terme de 25 conférences face à des publics variés à qui nous posons la question, je peux affirmer la quasi complète méconnaissance de ces dispositifs par les endeuillés. Dernière personne à qui nous en avons appris l’existence en date : un associatif siégeant dans un jury d’habilitation des agents funéraires de la préfecture, c’est dire ! Et d’après des formateurs et des agents, les professionnels ne les connaissent pas tous non plus. Il faudrait simplement, dans un premier temps que l’accès à ces aides (capital décès, aide CAF, CARSAT…) soit automatique et non pas une énième paperasse au moment du deuil.
Nous développons plus avant notre projet dans un manifeste que nous aimerions vous envoyer en Pdf. Je serais ravi que nous puissions débattre et confronter nos divergences afin de continuer à avancer sur ce sujet ! Si cela vous intéresse voici mes coordonnées : 06 30 65 75 72, et le mail du collectif secusocialemort@gmail.com.
Dans l’attente d’échanger davantage, je vous envoie mes respectueuses salutations.
M. Montelimar, je me permets maintenant de vous répondre. Si « rien n’est clair » dans le projet de notre association, conviée à participer au congrès de la FFC (cherchez sur Google si vous ne connaissez pas), forte aujourd’hui d’une trentaine de membres actifs se réunissant bi-hebdomadairement, dont une directrice indépendante comme secrétaire d’association, une thanato comme trésorière et un sociologue comme president, peut être – je dis bien peut être – n’avez vous tout simplement pas tout compris. Notre échange téléphonique était courtois, votre ton ici l’est beaucoup moins, dans la classique tendance actuelle à se lâcher par écrit en ligne. Relevons le niveau.
Pour commencer, s’indigner que des citoyens impliqués ne soient « même pas du funéraire » est en soi assez inquiétant et illustre à merveille l’urgence à ouvrir un peu la fenêtre. Fort heureusement, les associations de consommateurs de la SNCF n’appartiennent pas qu’aux cheminots, les associations de protection de l’enfance ne sont pas constituées exclusivement d’éducateurs et la LPO n’est pas peuplée que d’ornythologues. Ça s’appelle de l’engagement associatif bénévole, un concept peut être encore un peu nouveau (1901 en étant gentil…)
De mémoire l’idée que nous défendons qui vous avait inquiétée était surtout la question de la lucrativité des entreprises funéraires. Nous le comprenons très bien, et nous réitérons ici que, dans les différents modèles que nous avons établis, certains ne remettent pas en question l’existence d’entreprises funéraires marchandes telles que la vôtre. Vous pourrez apprécier la diversité de ce que nous proposons dans un manifeste bientôt à paraître que nous espérons le plus clair possible.
En revanche, il est exceptionnel d’accumuler autant de contre vérités en un seul message sur les aspects de notre projet dont nous vous avons parlé. Vous parlez d’augmenter les impôts, nous vous avons expliqué par le menu le modele de financement envisagé et le fait que cela n’implique en rien les impôts mais une redirection des cotisations. Sur les obsèques que nous voulons pour toutes et tous, rendez vous dans le premier TER en direction de Genève où toutes les prestations obligatoires sont assurées par la ville… rien d’utopique là dedans. Disons, dans un premier temps, que la prise en charge complète de toutes les prestations obligatoires légalement serait un bon début (démarches, porteurs, inhumation/crémation, cercueil par exemple en pin …) mais qu’il appartiendra aux familles de décider d’un surcoût, OU, mieux, aux collèges funéraires d’augmenter les possibilités. La sécurité sociale de la mort n’est pas un projet clé en main, ceux là ne marchent jamais, mais un cadre de fonctionnement démocratique que nous proposons. Nous ne prétendons pas décrire ce que doivent être les obsèques idéales car cela doit rester aussi personnalisé que possible, d’où l’importance d’une instance citoyenne comme les collèges de la sécurité sociale de la mort pour être à même de gérer le cas par cas.
Comme j’ai déjà votre mail je vous (r)envoie, à vous aussi notre manifeste afin que vous puissiez nous éclairer de votre opinion en nous connaissant davantage.
Cordialement,
Jean Loup De Saint-Phalle, CSSM