Les maires n’auront plus le droit de crématiser les restes des défunts lors d’une reprise de concession sans l’accord des ayants-droits : c’est la décision prise par le Conseil Constitutionnel, suite à une affaire opposant une famille à la Mairie de Paris. Cette décision bénéficie d’un délai de grâce d’un an.
Plus de crémation pour les reprises
Le Conseil constitutionnel a récemment jugé contraires à la Constitution certaines dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives au droit funéraire. Ce verdict met en cause une disposition permettant aux maires d’ordonner la crémation des restes d’un défunt exhumé dans le cadre de la reprise d’une sépulture en terrain commun, sans consultation préalable des proches.
En France, le CGCT fixe les modalités de gestion des sépultures dans les cimetières communaux. Lorsqu’une concession funéraire arrive à échéance ou qu’une sépulture en terrain commun atteint un délai d’occupation de cinq ans, la commune peut reprendre cet espace pour de nouvelles inhumations. Cette reprise inclut l’exhumation des restes du défunt et le retrait des monuments funéraires. Selon l’article L2223-4 du CGCT, le maire doit alors réinhumer les restes exhumés dans un ossuaire ou, en l’absence d’opposition, autoriser leur crémation.
Cette disposition est au cœur d’une affaire opposant un particulier à la mairie de Paris. En 2017, cinq ans après le décès de sa mère inhumée en terrain commun, le fils de la défunte découvre que les restes de sa mère ont été crématisés sans son accord. Le tribunal administratif de Paris a d’abord condamné la mairie à verser 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, une décision annulée en appel. La cour administrative d’appel de Paris avait en effet estimé que le CGCT n’impose pas d’informer la famille avant d’ordonner la crémation des restes exhumés. Saisi, le Conseil d’État a alors sollicité le Conseil constitutionnel pour examiner la conformité de cette disposition à la Constitution, invoquant les principes de dignité humaine et de liberté de conscience.
Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 1er novembre 2024, déclarant non conforme à la Constitution la formulation « en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt ». Il rappelle que, selon le préambule de la Constitution de 1946 et l’article 16-1-1 du Code civil, le respect de la dignité humaine perdure après la mort, et que les restes d’un défunt doivent être traités avec respect et décence. Les Sages reprochent au CGCT de ne pas imposer aux maires de s’assurer que la volonté du défunt a été respectée avant d’ordonner une crémation, portant ainsi atteinte à la dignité des personnes décédées.
L’abrogation de cette formule prendra effet le 31 décembre 2025. Le Conseil constitutionnel a accordé ce délai au législateur pour modifier la loi et éviter que le maire puisse légalement procéder à une crémation sans aucune contrainte. D’ici là, il enjoint les maires à informer les proches avant toute décision de crémation afin de recueillir la volonté du défunt, recommandation déjà adoptée par l’Association des maires de France (AMF), qui préconise de ne procéder à la crémation que si la volonté du défunt est clairement établie.
Cette décision, cependant, ne sera pas rétroactive. Les crémations ordonnées avant le 1er novembre 2024 ne pourront pas être contestées sur la base de cette inconstitutionnalité. Les collectivités sont donc incitées à réviser leurs pratiques en matière de droit funéraire, dans l’attente d’une nouvelle législation.
Guillaume Bailly