Il arrive que des erreurs soient commises dans les pompes funèbres. C’est ce que leur reproche un livre récemment sorti et chroniqué dans un article précédent. Si l’erreur est un problème, est elle évitable ?
Argument en orbite
C’est un argument. Un commentaire, laissé sous un article de journal en ligne, qui a fait tomber votre serviteur de sa chaise. « Heureusement que les employés des pompes funèbres ne travaillent pas dans le spatial ou le nucléaire, imaginez les dégâts ».
Oui, heureusement, la personne a raison. Mais heureusement pour les familles, contrairement à ce qu’il pense. On pourrait en effet s’incliner en se disant que les pompes funèbres, c’est un métier, fait par des professionnels, et que, comme des métiers sensibles, comme les deux sus-cités, ils ne devraient pas faire d’erreur. C’est une vision simpliste, vue de l’extérieur.
Vous savez comment travaillent les gens dans le spatial ? Prenons un exemple tout bête : il y a une vis à remplacer sur un panneau. La vis a déjà été enlevée, et il faut en remettre une autre. Pour ce faire, vous vous dites : « simple, on envoie un gars avec un tournevis ». Pas du tout : on va envoyer trois techniciens formés et expérimentés.
Le premier technicien sera chargé de l’opération en elle-même : prendre la vis, visser. Le second Va avoir le cahier technique et va énumérer à voix haute les opérations les unes après les autres, que le premier devra valider, à voix haute également. Le troisième aura une fiche technique avec le détail des opérations, également, et pointera au fur et à mesure qu’il entendra et constatera que les opérations sont toutes faites, dans le bon ordre.
C’est pour ça que le spatial coûte si cher. Et pourtant, il y a des échecs. Personne n’a oublié le vol inaugural d’Ariane 5 où la fusée a activé son système d’autodestruction tout simplement parce qu’une mise à jour logicielle avait été oubliée. La fusée pensait faire trois mètres de moins qu’elle ne le faisait réellement et ne comprenait pas sa vitesse.
Ne parlons même pas du nucléaire : ce ne sont plus plusieurs employés qui vont vérifier le travail les uns des autres, ce sont des équipes entières. Avec, de plus, des alarmes partout, en redondance, toutes branchées sur des circuits différents en cas de panne. Ce qui s’est passé à Tchernobyl est directement lié à cela, un individu sans contrôle disposant d’une autorité et pouvant forcer par la menace une équipe à le suivre dans l’erreur malgré les alarmes. Ce qui est impossible ailleurs que dans une dictature.
Alors oui, on pourrait appliquer les mêmes principes aux pompes funèbres, il suffirait de tripler les effectifs. Et donc de tripler la facture. Ce qui servirait les arguments, d’ailleurs, de ceux qui veulent re-nationaliser le secteur. Le service public gratuit des pompes funèbres coûterais 2 milliards par an, au grand minimum, pourquoi ne pas le multiplier par trois ? Comme dirait l’autre, « ce n’est pas cher, c’est l’État qui paie ». On voit ce que ça donne.
Pourtant, il n’y a qu’un chiffre qui compte : il y a, chaque année en France, entre 620 et 670 000 convois funéraires. Tous sont réalisés par des âtres humains, professionnels, mais faillibles par nature. Et malgré cela, proportionnellement, les erreurs sont très rares.
Et puis, surtout, ce qui rend les métiers du funéraire incomparables, c’est qu’ils sont humains. Et l’humain, imprévisible par nature, l’est encore plus dans un moment difficile. Ce qu’il va voir, ce qu’il va en comprendre, ce qu’il va interpréter… Malgré tout cela, l’immense majorité des convois se passent bien. C’est plutôt ça qu’il faudrait dire.
Guillaume Bailly
Quelqu’un qui a été Médiateur de la consommation des professions funéraires pendant trois ans et professionnel du funéraire pendant 20 ans ne peut que confirmer les propos de votre article. Et ce n’est pas le livre Les Charognards qui changera les choses, et qui ternira la profession.